25 jours seule dans les bois sur le sentier international des Appalaches au Canada

KA sac foret BQ

Je l’ai fait ! 25 jours de randonnée seule dans les bois au Canada sur le Sia / Iat – Quebec. Et quelle rando !
Bilan : un ours (j’ai vu la bête ! Magnifique. Un instant magique), trois orignaux mâles (des montres ! Ils m’ont fait plus peur que l’ours), des tétras, quelques grenouilles, une couleuvre, des oiseaux, des milliers de mouches noires et de brûlots (les bestioles qui m’ont bouffée toute crue) et quelques randonneurs fous. Et je vous reparlerai de l’incroyable chant des lacs. 422 km parcourus. Ca ne semble pas énorme mais quand on voit le sentier… parfois 8-10 heures de marche par jour. Quelques 15 000 de dénivelé positif. Une (seule !) chute à la descente du mont Pointu, dérapage et roulé-boulé avec le sac à dos.

Pic de l'aube BQ
Je ne sais pas quand j’ai imaginé que ça pouvait être juste une longue promenade dans les bois… J’avais choisi les Appalaches car j’avais pensé qu’il s’agissait de « petites » montagnes, un peu comme nos Vosges, en pente douce, adaptées à mon niveau et mon endurance assez modestes… Quelle idée ! C’est un sentier très sauvage et rebelle, je n’ai jamais vu des chemins pareils, ni dans les Alpes, ni dans les Pyrénées, ni dans les Carpates… Une randonneuse québécoise qui a fait plein de GR en France me disait qu’aucun n’était aussi difficile que le SIA, à part peut-être éventuellement le GR 20 en Corse, et encore… Comme son nom l’indique, le sentier est un sentier étroit, et pas un chemin. Végétation dense, rochers, racines, boue, tourbe rendent certains passages pas évidents du tout. Record de lenteur : 5 heures pour parcourir 6 km sur une rare portion sans dénivelé ! Sinon, ça monte et ça descend tout le temps. Et pourquoi faire des lacets alors qu’on peut monter tout droit dans les montagnes ?! Je n’ai jamais vu des pentes aussi raides. Ils sont fous ! Et comme les sommets sont petits, le but du jeu est d’en faire le plus possible. Pire journée : 11 heures de marche pour quelques 13 km, avec la montée du fameux Nicol-Albert, « l’un des plus forts défis de randonnée du Québec », avec 750 m de dénivelé et ses petites cordes pour se hisser en haut. Avec mon sac à dos plein (je venais de récupérer un colis de nourriture pour 4 jours d’autonomie), c’était assez rock and roll de grimper. J’ai failli faire demi-tour deux-trois fois car je ne voyais vraiment pas comment monter et… je ne sais toujours pas comment j’ai réussi. Arrivé en haut, ça redescend et surprise ! On rattaque un petit sommet. Et ça redescend et… surprise ! Une autre petite montagne pour la route ! Histoire de monter 1589 de denivelé positif avec mon monstre sur le dos… Le tout terminé sous une pluie battante et une belle descente interminable et casse-gueule. J’ai gagné le record de lenteur mais j’y suis arrivée ! Avec la récompense de fin de journée : l’ours. Il y avait aussi cette horrible montée à la sortie de l’abri du Mont Craggy : raide, mais raide ! Je n’avais qu’une envie : qu’on vienne me chercher. Mais à part un hélico ou l’improbable passage d’un bucheron canadien baraqué qui aurait pu me porter dans son sac à dos… pas d’autre solution que d’y aller…
En dehors de marcher, l’une des rares autres activités de la journée est de trouver de l’eau. Chaque ruisseau devient un « point d’eau » pour boire, prendre sa « douche » (avec mon échantillon de savon d’Alep), faire la vaisselle, rapide (une gamelle et une cuillère en plastique, avec mon échantillon de savon d’Alep), faire la lessive (pareil).
Bon, j’ai finalement arrêté 4 jours plus tôt que prévu et ne suis pas arrivée aux 500 km. La fameuse section la plus difficle du sentier m’a achevée. J’aurais pu repartir après 1 ou 2 jours de repos, mais j’avais déjà un jour de retard sur l’itinéraire et la fin était aussi très juste. J’ai donc profité de la venue d’un ami québécois qui m’a rejoint pour un jour de rando à partir d’un endroit accessible pour me faire rapatrier vers la civilisation. Et ça permettait de finir sur le meilleur (ou le pire !).

KA sac a dos le kalmia BQ
9 h de bus m’ont ensuite reconduite à Montréal, où j’ai erré dans la jungle de béton, telle une bête sauvage égarée. La forêt me manque, les montagnes me manquent, les bruits de la nuit me manquent, la brume sur les crêtes me manquent, les immenses ciels étoilés me manquent, le chant des ruisseaux me manquent, les grands espaces, le son de ma clochette qui rythmaient mes pas, l’attente inespérée de voir « la bête » me manquent… et même ces osties de calisse de tabarnac de montées de malade me manquent !